Gouvernance

Machiavel, reviens !

publié le 06/03/2017

Ce que serait une candidature « machiavélienne" à la présidentielle, contre le machiavélisme des stratégies populistes.

 Machiavel, reviens !

C’est le premier à avoir révélé la nature profonde des gouvernements humains et le mouvement de leurs « humeurs » - le peuple, les puissants - qu’il s’agit de combiner au mieux. « Il n'est (…) pas nécessaire à un prince de posséder toutes les vertus (…); ce qu'il faut, c'est qu'il paraisse les avoir », écrit Machiavel au chapitre XIII du Prince.
L’homme de pouvoir qui ni ne l’est, vertueux, ni n’en a l’air, devrait en tirer les conséquences. Sur la scène politique, dit simplement Machiavel, il faut être bon acteur. A défaut, les spectateurs quittent la salle. C'est ce que vit François Fillon, le mauvais comédien, sous les jets de navets du public, hors les 25 000 fans (estimation police) présents au Trocadero le 5 février. Pour préserver la stabilité du pouvoir, ou de sa conquête par son propre camp, il lui aurait été préférable de renoncer. Il a choisi de rester sur scène et oublie, ce faisant, d'être « machiavélien ». Machiavel cherchait par ses préceptes à accroître l’efficacité de l'action politique, ce qui, en son temps, devait permettre de sauver la république de Florence. Le cynisme dont on l’accuse traditionnellement n’apparaît que dans la manière dont ses conseils furent mis en oeuvre. Mussolini et Berlusconi ont tous deux préfacé les œuvres de Machiavel.
« Le Prince s’élève à son statut soit avec la faveur du peuple, soit avec celle des grands » dit encore Machiavel, mais précise-t-il, dans ce deuxième cas, son pouvoir sera plus fragile. Les grands cyniques s'empressent depuis toujours d'appliquer la leçon à la lettre. Via son flux de tweets insultants ou menteurs, Donald Trump parle à l’oreille du porteur de smartphone moyen. Marine Le Pen jette ses promesses démagogiques dans l’arène électorale « au nom du peuple ».
En face, on a choisi la voie la plus fragile, celle de la négociation entre « puissants », le dos tourné au peuple. Parce que l'on estime impossible de s'adresser à lui autrement qu'en flattant ses bas instincts ? Les Princes, Fillon, Macron, Hamon, Mélenchon sont à la manoeuvre. A droite, l’un a cédé à la tentation de l’appel machiavélique au peuple, juste pour sauver sa peau, et parvient ce faisant tout juste à retenir ses condottiere de le tailler en pièces. En face, les autres se jaugent, au mépris de l’efficacité. Pour eux, se donner aujourd'hui toutes les chances de« sauver la République » contre les assauts de l’hyper-populisme consisterait à mettre de côté les stratégies personnelles qui conduisent à l'annihilation mutuelle, et à rechercher un programme commun sur une candidature unique. Ce serait repousser le machiavélisme en devenant machiavélien.

Jacques Secondi