Soyez en forme !

Individu, la société a besoin de toi, mais avec le moral et en bonne santé.

Il faut travailler sur soi-même ! On peut ne pas avoir entendu la consigne , on peut ne pas se l’être formulée de cette manière, mais alors, dans ce cas, c’est qu’on l’a intégrée inconsciemment : il faut être bon et en bonne forme physique. L’ordre a été répété partout, dans toutes les couches de la société. Il est promptement exécuté et décliné dans tous les domaines.

Les coaches pullulent

Le sport stagne en chambre, mais en salle prospère. Au Brésil, c’est encore plus marqué. Derrière la vitrine des academia, ça soulève, ça pompe, ça chauffe, ça fume, ça craque aux entournures, tout en gardant un œil sur le voisin d’haltères. A Paris aussi les coaches pullulent et se couchent tard, les cours sont pleins, « tu fais quoi comme sport ? Ah bon tu fais rien ? Mais comment du fais ? », « je suis à 9, 6 au kilomètre », « cet été j’apprends l’anglais en nageant avec les dauphins » (qui travaillent de 9h à 20h...), « moi je fais de la méditation debout et du yoga chauffé. »

Soyez bon, sinon on vous laissera couler

Mais, quel est le problème au fait ? Il n’y en a pas vraiment, simplement peut-être qu’il serait bon de ne pas se leurrer : derrière le conseil bienveillant du « mieux être » se dessine la nature de notre mode d’organisation : soyez bon parce que vous êtes seul, et que si vous nagez moins bien que les autres on vous laissera couler. Motivant pour s’inscrire chez Céline Martineau (trouvée sur Google à « développement personnel », prochain stage : « développer son charisme et améliorer sa prestance »). Bien sûr, ce n’est pas exprimé en ces termes, trop anxiogènes.

L’espoir de trouver un bon job

Autre manière de le dire : « pour changer le monde il faut se changer d’abord soi-même !» Ce discours ambiant est très adapté aux circonstances : ainsi, en attendant de reprendre la lutte des classes contre le changement climatique, on a toujours l’espoir de trouver un bon job, parce que, en se changeant soi-même, on s’améliore tellement au passage sur le plan du réseau et des compétences que l’on se vous l’arrache.

Etre mieux vu par les autres

C’est là où cette rubrique veut en venir : cette vague du mieux être, c’est pour se sentir mieux bien sûr, mais surtout pour être mieux vu par les autres, parce que sinon -cela on n’a plus besoin de vous le dire à ce stade, vous le comprenez tout seul- vous risquez de disparaître. Le personal training comme discipline du personal branding , discipline conseillée, sur le mode obligatoire. Ou sinon, ni prêts ni primes : soyez prêts à sauter du train !

Liberté de troupeau

Tout cela dit non pas pour dissuader tout un chacun de se faire du bien, mais simplement de se demander pourquoi on le fait… et s’il n’y a pas mieux à faire. C’est l’objet de cette rubrique. Nous essaierons ici de parler de « techniques » d’amélioration personnelle (non payantes !) qui donnent de l’autonomie plutôt que ce qu’un certain Dany-Robert Dufour appelle de la « liberté de troupeau », liberté d’aller et venir certes, mais à l’intérieur d’un troupeau qui continue à se laisse promener, sans même y penser, dans les pâturages du divertissement permanent et de la consommation.
A suivre aussi dans Tropique du Brésil

#Les trains cachés #Personaltraining